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Carte blanche à Didier Guyon

27 février 2016

Que sait-on vraiment des gens ?

Carte blanche à Didier Guyon


Je n’ai pas connu mon grand-père maternel. Le grand-père Gagliardi. Un gaillard (comme son nom l’indique) venu d’Italie pour chercher du travail en France. Tailleur de pierres. Mort avant ma naissance. Quant à ma grand-mère maternelle et à mes grands-parents paternels, je les ai peu côtoyés. Principalement à l’occasion des repas du dimanche. Un dimanche chez la grand-mère Gagliardi à Comblanchien et le dimanche suivant chez les grands-parents Guyon, à Nuits-St-Georges. Des repas interminables avec deux ou trois entrées, puis des escargots, du poisson, une viande blanche, un coq au vin, une salade, des fromages, un gâteau, une glace, le café et le pousse café... Et à la fin du repas il y avait toujours quelqu’un pour dire, comme un rituel : "si on meurt ce soir, ce ne sera pas de faim !". C’était les années soixante. Ils fumaient à table en parlant du grand Charles. Puis on prenait la 4 chevaux pour rentrer à Dijon. Il n’y avait pas d’alcootest à l’époque... Je me souviens des arbres de chaque côté de la nationale. On les appelait les assassins de la route... On en a réchappé...


Il y avait aussi les réunions de famille chez mes parents. Tout le monde s’installait dans la cuisine. Ma mère s’activait aux fourneaux. Il y avait toujours un moment où mon père disait : Maman, (oui, mon père appelait ma mère maman. Et, en toute logique elle l’appelait papa...), Maman, tu veux pas ouvrir la fenêtre ? On étouffe ici. Ce à quoi ma mère répondait : ha ben non papa, après on va avoir plein de moustiques. Alors mon père accusait le coup, laissait passer dix minutes puis : bon ben alors on ouvre la porte du couloir, on crève ici ; Ha ben non, disait ma mère, sinon ça va sentir la cuisine dans toute la maison. Dix minutes passaient encore. Puis mon père, n’en pouvant plus, sortait dans le couloir, enlevait sa chemise qu’il pliait sur la rampe et revenait en marcel s’asseoir à la table. Ensuite il mettait une claque dans le dos de mon oncle à lui en décoller la plèvre et disait : ha on est bien là, hein ? On est bien, bien, bien ! Là, on savait qu’on était partis pour une soirée de rire et de verbe haut. Ça avait l’air bien d’être adultes. En tout cas, ils avaient l’air de bien rire.
Ma mère pourtant dut mettre parfois un chemisier à manches longues en plein été, afin de cacher les bleus qu’elle avait sur les bras. Je n’en avais jamais rien su.


Quand elle riait, ma grand-mère Gagliardi représentait à mes yeux l’incarnation du bonheur.
Sa mère était ouvrière dans une usine de la campagne jurassienne. Elle avait été mise enceinte par le patron de cette usine et ma grand-mère était née. Probable résultat d’un droit de cuissage. Comme on "troussait" les domestiques. Il ne l’a jamais reconnue, bien sûr. A l’âge de 12 ans, ma grand-mère est venue travailler dans l’usine de sa mère (enfin surtout celle de son père, donc). Ils se croisaient tous les jours, elle et lui. Tous les deux savaient... Ils n’en ont jamais parlé. Il n’y eut jamais le moindre geste d’affection.


Que sait on vraiment des gens ?
Dis-moi.


Dis-moi (séance de travail) © Marie-José Bré


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Directeur artistique et fondateur de la compagnie Fiat Lux, Didier Guyon est l’auteur et le metteur en scène de ses spectacles. Résolument burlesques et sans paroles, ses créations ont été jouées dans toute la France et dans plus de cinquante pays sur tous les continents.
Avec Dis-moi, Didier Guyon s’est lancé dans une nouvelle aventure : enregistrer des personnes âgées de Saint-Brieuc et en faire un spectacle. On y entend leurs voix, leurs mots mais aussi leurs silences, leurs hésitations, leurs rires, leurs gorges qui se nouent... Ils se racontent, simplement. Ils nous disent qui ils sont, qui ils ont été. En ouvrant leur porte ils ont ouvert leur cœur. Sur scène, trois comédiens donnent corps à ces témoignages qui nous font voyager au cœur de l’humain.


Un spectacle à découvrir le 11 mars à Loudéac, les 22 et 23 avril à la Passerelle (Scène Nationale de St-Brieuc), le 3 mai à Plouagat dans le cadre du festival Pas Sages organisé par Itinéraires Bis.

Coproductions Itinéraires Bis, l’Odyssée (scène conventionnée de Périgueux), Palais des Congrès de Loudéac. Soutiens : Ville de St-Brieuc, St-Brieuc Agglomération, Conseil départemental des Côtes d’Armor, Région Bretagne, Fondation de France et Banque Populaire de l’Ouest.

www.ciefiatlux.com


Cliquez ICI pour lire la version du journal papier.


 


 


Photo du haut © Marie-José Bré

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