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Art Divina
Il ne nous aura fallu que quelques minutes pour tomber sous le charme de l’œuvre de Cécile Chiron. Quelques minutes de déambulation dans les deux salles de la nouvelle et élégante galerie Maxime Lancien à Saint-Brieuc qui levait le rideau en cette soirée de vernissage. Un accrochage qui inaugure donc l’ouverture de ce nouveau lieu à la direction artistique exigeante et prometteuse, et qui donne à voir le travail de cette spécialiste en calligrammes en une exposition sobrement intitulée La Forme des mots.
Précis, minutieux, foisonnant et pictural, le travail de Cécile Chiron donne image au texte, transfigure le sens des mots via une projection graphique saisissante en un spectre ambitieux allant de la poésie brute aux lignes épurées, jusqu’à des compositions baroques poudrées où menaces funestes et désespoir mystique se révèlent entre pleins et déliés. Lorsqu’on l’interroge sur sa passion dévorante pour cet art qui syncrétise calligraphie et forme purement graphique, cette libraire de formation passionnée par le livre ancien, avoue avoir toujours rempli des dizaines de carnets depuis qu’elle a appris à écrire. Une boulimie de formes et de mots sans cesse recopiés qui la conduit à penser qu’elle sera écrivain. C’est donc à la fiction qu’elle s’essaiera sans jamais étancher sa soif, comprenant vite qu’au-délà du récit qui naît de l’écrit, c’est la forme, le geste qui lui donne vie, qui la passionne avant tout. La révélation (au sens premier du terme) se produit en 2020, lorsqu’elle produit ses premiers calligrammes. Une épiphanie. Plongeant au cœur des textes bibliques mais aussi d’écrits profanes d’Antonin Artaud ou du poète austro-hongrois Georg Trakl dont elle avoue admirer l’œuvre, Cécile Chiron promène d’abord son stylo noir sur de moyens formats cartonnés traduisant en formes graphiques sa propre interprétation des écrits. Bientôt, elle abandonne ce support lorsqu’elle découvre le Pergamenate, un papier italien qu’elle décrit de manière sensuelle et intime. Lisse et épais à la fois, presque transparent et pourtant empli de teintes différentes, ce papier révèle tout son talent et devient son partenaire de jeu. À l’étage de la galerie, on découvre une facette différente de son travail avec un accrochage réunissant un ensemble fascinant de danses macabres à l’image des Enfers, ces lieux des bibliothèques où étaient regroupés des livres aux contenus controversés et auxquels on accordait une attention toute particulière. Le travail de Cécile Chiron libère le sens profond de ces écrits parfois oubliés, parfois repoussés loin de nos regards, trop souvent muets et leur insuffle vie et lumière en une évidence prophétique ; la main de l’artiste trahissant une profonde conscience spirituelle qui illumine toute son œuvre. Indispensable.