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Carte blanche à Aysar Al Saifi

30 août 2015

Perdu à Saint-Brieuc. Témoignage d’un auteur et artiste palestinien.

Carte blanche à Aysar Al Saifi


Quand vous lirez cet article, je serai retourné dans mon pays natal, la Palestine, après une année à Saint-Brieuc, pleine d’expériences, de souvenirs et de moments inoubliables. Les gens, les amis, la ville, les bars, les discussions et la météo que je ne comprendrai jamais. Je me rappelle qu’à chaque fois qu’on me questionnait sur Saint-Brieuc, je répondais toujours que c’est la ville des quatre saisons.


Une année est passée depuis que j’ai quitté mon camp de réfugiés. L’endroit où je suis né et où j’ai grandi, un petit endroit où ma famille a vécu après plusieurs guerres. Nous avons été chassés de nos terres, de notre village, et nous avons été obligés de vivre notre vie dans ce camp de réfugiés. Depuis ce moment, je traîne le nom de "Réfugié", où que j’aille. C’est devenu un second prénom que j’abhorre, telle une ombre qui me suit tout le temps et me rappelle que je ne suis pas normal et que je n’ai pas de vie normale, même en France.


Une des histoires que j’aimerais partager avec vous est la manière dont j’ai découvert le sens du mot "liberté "et de quelle manière je l’ai ressentie pour la première fois de ma vie. Ce jour-là, j’ai vu la mer pour la première fois. Je me souviens courir comme un enfant et jouer avec les vagues. En Palestine, la mer est à deux heures d’où je vis mais, en 27 ans, je ne l’avais jamais vue. Peut-être que pour vous, la mer est banale ou ne signifie rien de particulier, mais pour moi, elle est synonyme de liberté, de rêve, d’enfance et de vie.


Il est étrange pour moi d’être capable de choisir de me déplacer et de voyager où et quand je le souhaite, sans check-point israélien ou un énorme mur de séparation. En Palestine, il y a toujours quelque chose qui nous empêche de nous déplacer, de voyager et même de nager dans la mer. C’est étrange, la manière dont vous pouvez librement choisir d’aller à la plage aujourd’hui ou demain sans, comme moi, attendre pendant des mois qu’Israël m’en donne la permission.


Aujourd’hui, ce qui m’inquiète, est ce moment où mes amis m’interrogeront sur ma vie en France et sur la mer. Comment vais-je leur expliquer qu’il n’est pas nécessaire de toujours avoir à justifier son identité ? Comment vais-je leur expliquer le sens du bonheur que j’ai découvert en vivant à Saint-Brieuc ? Comment vais-je leur expliquer cette sensation qui m’a saisi face à la mer alors qu’ils en sont privés à cause de l’occupation ?


Alors, parfois, je ne sais plus trop qui je suis. Je me sens entre ici et là-bas, entre la distance et les frontières, entre le rêve et la réalité, entre mes souvenirs et mon enfance, perdu alors que je cherche la lumière et le futur.
Cette idée sera celle de mon prochain livre, qui racontera l’histoire d’un réfugié palestinien à Saint-Brieuc.


Je suis venu à Saint-Brieuc en tant que volontaire au sein de la Fédération Départementale des MJC. Grâce à cela, tous les lieux, les murs, les rues de cette ville qui m’ont porté et accueilli, toutes les personnes que j’ai croisées et avec qui j’ai échangé, restent en moi. Je remercie toutes les personnes qui ont été une partie de ces souvenirs et de ces instants et qui m’ont permis de partager tout cela.


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Aysar Al-Saifi est un auteur et artiste palestinien. Agé de 27 ans, il est né et a grandi dans un camp de réfugiés. Il a écrit plusieurs nouvelles et recherches. La Dernière leçon est le titre de son premier ouvrage où il parle d’amour et de politique. Les Gibets de la nation est un roman critiquant avec finesse la réalité palestinienne et racontant la vie d’un prisonnier palestinien. Il a écrit d’autres ouvrages tel Section 3, et quelques histoires courtes. Il a, en ce moment, deux romans en cours : Perdu dans Saint-Brieuc ainsi qu’un ouvrage traitant de la situation syrienne. Il s’intéresse principalement à la vie des personnes marginalisées et oubliées, se considérant comme l’un d’eux et essayant de faire entendre leurs voix.
Al-Saifi est aussi graffeur et chorégraphe. Il a également travaillé pour des associations sociales, aidant et montrant aux jeunes comment devenir un rêveur.
fdmjc.22@wandoo.fr - aysar.alsaifi@yahoo.com


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